Kebeca Liberata

Selon l’opinion – et l’intérêt – des collectionneurs, plusieurs pièces pourront (ou non) être considérées comme des monnaies politiques. C’est ainsi que pour certains numismates, la Kebeca Liberata ne devrait figurer parmi celles-ci, alors que d’autres seront d’avis qu’elle doit en faire partie, tout comme elle a sa place dans l’histoire politique du Québec.

Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

Cette pièce, considérée comme la première médaille de l’Amérique française, trouve son origine dans l’une des plus illustres batailles du XVIIe siècle au Québec entre les troupes françaises et leurs ennemis anglais :

À la mi-octobre 1690, l’amiral anglais Phipps se présente devant Québec et somme le comte de Frontenac de se rendre. On connaît la réponse du gouverneur à l’émissaire: « Je vous répondrai par la bouche de mes canons! » Le siège dure à peine plus de huit jours. Incapables de maintenir leur tête de pont sur les battures de Beauport, pilonnés sans merci par les batteries, les Anglais hissent les voiles et se retirent penauds.

Frontenac ne veut pas attendre au printemps pour informer le roi de cette victoire. Déjà, pourtant, le froid est vif et la glace endommage les navires dans la rade. Qu’à cela ne tienne, le gouverneur affrète une frégate, la Fleur de Mai, et demande au baron de La Hontan de lui servir d’émissaire. La Fleur de Mai quitte Québec le 29 novembre, en direction de La Rochelle. Un peu moins de six semaines plus tard (le 13 janvier 1691), le noble messager se rend à Versailles.

Louis XIV reçoit la nouvelle avec tant de joie qu’il décide de faire frapper une médaille. […]

Sylvestre, Paul-François.
Première médaille de l’Amérique française, L-express.ca.

Avers : Profil de Louis XIV avec l’inscription Ludovicus Magnus Rex. Christianissimus

Revers :  Francia In Novo Orbe Victrix. La Ville de Québec assise sur un rocher, ayant à ses pieds des pavillons et des étendards aux armes d’Angleterre. Elle a près d’elle un castor, animal fort commun au Canada. Au pied du rocher, le fleuve Saint-Laurent personnifié est appuyé sur son urne versante.

On notera que les inscriptions sur la médaille ont été proposées par Jean Racine, le célèbre dramaturge, mais aussi l’historiographe de Louis XIV, et ensuite adoptées par l’Académie royale des médailles et des inscriptions.

La notoriété de cette pièce – et son importance historique – fait qu’elle sera répertoriée, avec ses variétés, dans les deux premiers ouvrages francophones d’importance sur la numismatique canadienne des XIXe et XXe siècles. : Le Médaillier du Canada, de Joseph Leroux (n° 305-307) et le Guide populaire illustré des monnaies et médailles canadiennes, de P.N. Breton (n°33-36).

La médaille originale aurait été créée en 1691. Mais comme toutes celles qui composent l’Histoire métallique de Louis XIV, elle fut frappée à plusieurs reprises; trois graveurs ont ainsi contribué à sa création et aux variétés subséquentes :

  • Jean Mauger. Il a été l’un des rares graveurs à participer aux trois Histoires métalliques du roi et son œuvre fut particulièrement imposante. Ses médailles portent les marques I • Mavger • F • ou J • Mavger • F• .

     
Médaille signée I. Mauger.
Source :
Encan Geoff Bell (Toronto Coin Expo Spring Sale 2022), 28-04-2022, lot n°10.

   
Médaille signée J. Mauger.
Source :
Icollector, Encan Lower Canada Auction, 02-11-2012, Lot 55

  • Jean Dollin, dont une grande partie de l’œuvre est demeurée dans l’ombre. Alors qu’il signait généralement ses œuvres de la marque D •, les médailles Kebeca Liberata de son ressort portent l’inscription Dollin • F •.


Médaille signée Dollin.
Source :
PGCS. 
1690 Medal Betts-72 Bronze Quebec Preserved, BN (Regular Strike)

  • Joseph Roettiers. Il était réputé pour ses talents à reproduire minutieusement des modèles immuables; or, sous le règne de Louis XIV, il n’était pas permis à un graveur, aussi talentueux soit-il, de changer quoique ce fût au dessin de la devise composé et arrêté par l’Académie royale des médailles et des inscriptions. Il signait ses œuvres de l’initiale R.

     
Médaille signée R [Joseph Roettiers]
Source :
Musée de la Civilisation du Québec.

À ces quatre variétés, différentiables par la marque, s’en ajoute une cinquième qui n’en portait aucune. Selon certains spécialistes*, le poinçon de telles médailles Kebeca Liberata était l’œuvre collective de Jean Mauger et de Jean Dollin ; or il était impossible qu’elles soient signées des deux graveurs…

* Monnaie de Paris. La Médaille au temps de Louis XIV
– Catalogue d’exposition. Imprimerie nationale, janvier 1970.

Médaille sans signature apparente, Bronze.
Source :
PCGS.
(1690) Medal Betts-69 Bronze Quebec Preserved, BN (Regular Strike).

L’examen de toutes ces pièces montre aussi qu’elles se distinguent les unes des autres par le portrait de Louis XIV apparaissant à l’avers.

Une sixième variété – que nous n’avons repéré qu’une fois dans les ventes des dernières années – montre une légende particulière : l’inscription Ludovicus Magnus Rex Christianissimus est remplacée par Ludovicus XIIII Rex Christianissimus.

Médaille sans signature apparente. Bronze.
Inscription à l’avers : Ludovicus XIII (et non Magnus)
Source :
PGCS.
1690 Medal Betts-73, BN (Regular Strike)

La Monnaie de Paris, atelier monétaire dont l’origine remonte au IXe siècle, a refrappé de telles médailles en 1967. Elles sont reconnaissables et se différencient des pièces originales par les inscriptions sur la tranche : un poinçon (corne d’abondance ?) et l’indication du métal. Sans que cela soit exhaustif, nous avons ainsi repéré des pièces signées Dollin en cuivre, ainsi que d’autres, signées J. Mauger, en bronze et en argent.

      
Médaille signée J. Mauger. Refrappe
Source :
Icollector, Encan Champagne 02-11-2019, Lot n°64

Références


Médailles sur les principaux événements du règne entier de Louis le Grand,
avec des explications historiques (Paris, Imprimerie royale, 1723) p.234.



LEROUX, Joseph. Le Médaillier du Canada. Montréal, 1888.


BRETON, P.N. Guide populaire illustré des monnaies et médailles canadiennes. Montréal, 1912.

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