Bérudollar

Si la monnaie politique est d’abord l’apanage des partis pour se dénoncer les uns les autres, elle peut servir à un syndicat pour manifester son opposition aux politiques gouvernementales. Au Québec, l’un des premiers – et parmi les plus emblématiques billets de ce type -, est certainement le Bérudollar.

En 15 avril 1982, le gouvernement québécois, alors dirigé par René Lévesque, demande aux syndicats du secteur public la réouverture des conventions collectives afin de diminuer la rémunération prévue aux six derniers mois de l’année 1982. Prétextant une crise financière majeure, il veut ainsi récupérer 521 millions de dollars. En juin, le gouvernement fait adopter le projet de loi n° 70 (Loi concernant la rémunération dans le secteur public), qui prolonge les conventions collectives et prévoit une récupération de 20% des salaires de janvier à mars 1983, suivie d’un gel d’un an, à défaut d’une entente sur un autre mécanisme de récupération[1].

Roger Lecourt, président du SPGQ, présente le Bérudollar. 
SPGQ – Revue 50e anniversaire, avril 2018

Opposés à cette loi, les syndicats réagissent de diverses façons et plusieurs d’entre eux émettent des billets politiques[2] dont le plus célèbre est le Bérudollar.

Imaginé par le Syndicat des Professionnels du Gouvernement du Québec (S.P.G.Q.), celui-ci portait le nom du président du Conseil du Trésor de l’époque, monsieur Yves Bérubé.

 
(variété 1)

   (variété 2 – avers)

Très largement inspiré du billet courant de 1 $ (série des scènes du Canada – 1969), il porte, à l’avers, plusieurs inscriptions bilingues similaires à celui-ci : « Bank of Quebec – Banque du Québec »; « un   one (béru)dollar »; « This note legal tender ? Ce billet est-il légal? ». On ne s’étonnera pas d’y voir, comme numéro de série, « L0170010183 », en référence à la Loi 70 qui entrera en vigueur le 1er janvier 1983.

Par contre, le revers peut étonner par ses inscriptions, puisque celles-ci indiquent que la mise en œuvre de cette loi privera diverses villes québécoises de sommes importantes qui ne pourront être injectées dans l’économie régionale[3].

La première version du billet, émis uniquement par le S.P.G.Q. aurait été tiré à 150 000 exemplaires, dont une partie imprimée sur un papier blanc standard, le reste sur un papier bond de meilleure qualité.

La deuxième variété a été produite conjointement par le Syndicat de Professionnels du Gouvernement du Québec et le Syndicat des Fonctionnaires Provinciaux du Québec; ce qu’indiquent les inscriptions en bas du billet.

 

La qualité de ce billet et la campagne menée par le S.P.G.Q. au moment de son lancement lui auront assuré une grande notoriété, non seulement au Québec[4], mais aussi à Ottawa[5] et même en Alberta[6].

Caractéristiques :

  • Appellation : « Bérudollar ».
  • Date d’émission : octobre 1982.
  • Émetteur : Syndicat de Professionnels du Gouvernement du Québec / Syndicat des Fonctionnaires Provinciaux du Québec.
  • Imprimeur : Imprimerie Laliberté inc.
  • Dimensions : 153 mm x 70 mm.
  • Couleurs : vert bleuâtre et noir sur papier blanc.
  • Valeur faciale : 80 ¢.
  • Tirage : 150 000.
  • Numéro de série : loi70010183.
  • Signatures : illisibles, mais probablement René Lévesque (premier ministre) et Jacques Parizeau (ministre des Finances).
  • Inscription aux listes et catalogues : Polq 20A et Polq 20B (Labbé).

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Dans la presse…

Calgary Herald, 23 octobre 1982

The Gazette, 23 octobre 1982

La Presse, 4 novembre 1982

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Références

[1] Malgré des concessions de la part des syndicats et le vote des employés de l’État, contre les offres patronales et pour une grève en front commun, l’Assemblée nationale adopte, le 11 décembre 1982, le projet de loi n° 105 (Loi sur les conditions de travail dans le secteur public), qui comprend les décrets et dispositions tenant lieu de conventions collectives pour les secteurs public et parapublic.

[2] Billet des techniciens de laboratoire – Association Professionnelle des Technologistes Médicaux du Québec (A.P.T.M.Q.) ; chèque des fonctionnaires – Syndicat des Fonctionnaires du Gouvernement du Québec (S.F.P.Q.).

[3] « De janvier à avril 1983, si la loi 70 s’applique :641$ millions de moins en circulation. C’est en moins : 100$ millions à Québec, 15$ millions à Rimouski, 13$ millions à Sherbrooke, etc. C’est 38 000 chômeurs de plus! Combien de faillites? Ça ne peut en rester là! Il faut trouver mieux! »

[4] « Berubuck » draws laughs in union ad retort. The Gazette. October 23, 1982. MANN, Jonathan, Berube : The tough guy with Quebec’s most thankless job. The Gazette, Avril 14, 1983. Le Nouvelliste, 23 octobre 1982. La Presse, 23 octobre 1982. La Presse, 4 novembre 1982. Le Soleil, 23 octobre 1982. La Tribune, 23 octobre 1982.

[5] Bérudollar. The Ottawa Citizen. October 23, 1982.

[6] Hoping ‘money’ talks. Calgary Herald. October 23 1982.

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